Émission de radio L'Autre Monde

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lundi 14 janvier 2008

Opinion: Des ports méthaniers au Québec ? Non merci !




Opinion: Des ports méthaniers au Québec ? Non merci !

Fidèle à son habitude, Jean Charest fait de la petite politique insidieuse son leitmotiv philosophique. En plein mois de juillet, il annonce, via le BAPE qu’il a sournoisement noyauté en nommant un ami du régime au poste de directeur (lire la chronique de Josée Legault dans le journal Voir du 12 juillet 2007), que le projet Rabaska est « environnementalement » sécuritaire et rentable

Ce plénipotentiaire inféodé au grand capital antidémocratique pense qu’en nommant une potiche au BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec), il peut sauver les apparences démocratiques de son gouvernement et sanctionner, en toute impunité, un projet dont les seuls bénéficières seront, encore une fois, les grands capitalistes du monde occidental. La construction d’un port méthanier à proximité d’un des sites les plus bucoliques, champêtres et symboliques du pays, l’Île d’Orléans, équivaut littéralement à une déclaration de guerre.

Historiquement, le directeur du BAPE est nommé par l’Assemblée Nationale du Québec. Pour s’assurer la docilité de cet organisme névralgique, il a contourné cette tradition démocratique pour placer à sa tête un lacquet qui pourrait légitimer des actions que l’organisme considère généralement comme illégales et dangereuses pour l’environnement multiforme.

Comme le rapporte Josée Legault dans son article, le chef de cabinet de Charest est un ancien président de Gaz métro, Stéphane Bertrand. Et qui pensez-vous est derrière le conglomérat Rabaska ? Gaz de France, Enbridge d’Alberta et… Gaz métro. Coïncidence ? Il faut être naïf et inculte politiquement pour le croire.

La question des ports méthaniers est tellement importante qu’il est impératif ici de tirer la sonnette d’alarme sur un dossier hautement explosif. Tellement importante qu’elle nous renvoie, encore une fois, l’image d’un Québec colonisé, au service du grand capital international avec nos petits politiciens corrompus qui, tel Jean Charest, violent impunément les lois du Québec pour satisfaire des amis qui lui fournissent, en échange d’une docilité toute canine, un chalet pas cher à North Hatley ainsi qu’un compte de banque off-shore bien garni et à l’abri des indiscrétions indigènes…

Le texte qui suit fait la synthèse du problème environnemental, sécuritaire, économique et politique de la patate chaude qu’est devenue l’industrie du transport et de la transformation du gaz naturel dans un monde démesurément énergivore. Les États-Unis, consommant plus du quart des énergies fossiles (pétrole, gaz et autres charbons) produits dans le monde, sont responsables de la présente situation au Québec. Deux projets viendront supporter notre argumentaire : Gros Cacouna et Lévis (Rabaska).

Plusieurs États étasuniens, refusant d’autoriser la construction de ports méthaniers sur leur territoire, ont provoqué un déplacement de l’offre de construction vers le Nord. Et le Québec, avec sa légendaire mentalité de colonisé, a trouvé en John Charest l’incarnation de la cupidité pour promouvoir un autre projet invendable sur un plan économique et environnemental. Mais avec de beaux et volumineux cadeaux personnels, on peut faire aimer n’importe quoi à n’importe qui.



L’installation de deux ports méthaniers sur les berges du fleuve Saint-Laurent, un situé en face de la ville de Québec, à Lévis, et l’autre en face de Charlevoix, dans la petite localité de Gros-Cacouna, en banlieue de Rivière-du-Loup, semble créer une controverse majeure au Québec depuis un an. Les projets impliquent la construction de terminaux méthaniers, de réservoirs servant à l’entreposage du gaz liquéfié, à la regazéification de ce GNL (gaz naturel liquéfié) ainsi que du raccordement des gazoducs aux pipelines canadiens et étasuniens à proximité de zones habitables.

Le gaz naturel, dont le méthane est la principale composante, est une énergie fossile polluante pour l’atmosphère. Tout en menaçant la santé et la sécurité des populations avoisinantes (humains, faune, flore), la manipulation, la transformation et le transport de ce gaz affectent aussi le climat mondial par sa contribution au réchauffement de la planète. Ce phénomène, communément appelé « effet de serre », se trouve au centre de la controverse des projets cités précédemment, lesquels braquent, d’un côté, les environnementalistes, progressistes, idéalistes et autres partisans d’un mode de vie en harmonie avec l’environnement, et de l’autre, les groupes favorables au développement économique, les pragmatiques et les opportunistes (hommes d’affaires, politiques et autres).

Nous allons donc traiter ici des effets de la pollution atmosphérique sur l’environnement, l’humain et l’économique à travers deux projets concrets. L’angle d’attaque privilégié est double : les conséquences écologiques forcément négatives de l’arrivée de méthaniers dans deux écosystèmes relativement équilibrés ; les conséquences (positives et négatives) économiques et politiques d’un tel bouleversement.


1. L’atmosphère, sa composition, son historique sommaire et ses sources de pollution principales

Composé à 78, 09 %d’azote, 20,95 %d’oxygène et 0,93 %d’argon, l’air que l’on respire représente une masse que l’on évalue à quelque 5,2 * 10(19) de tonnes [1]. Concentrée à plus de 50 %dans les cinq premiers kilomètres ceinturant la Terre, cette masse permet à l’Homme, à la nature et à la flore d’assurer sa vie, sa survie et son bien-être collectif. Depuis la révolution industrielle au début du XIXe siècle en Angleterre et aux Pays-Bas, la démographie mondiale a progressivement et rapidement atteint des proportions stratosphériques, entraînant dans son sillon une exploitation effrénée des ressources de la planète par un développement intensif des technologies appliquées à l’économie et l’exploitation des ressources naturelles telles le bois, le fer, le cuivre, etc. Que ce soit par l’évolution rapide des technologies appliquées à l’industrie ou par application idéologique - libéralisme économique et politique incarné par le capitalisme, et ultérieurement le communisme - la Terre a vu ses ressources mises à mal par des besoins humains allant en s’accroissant.

Nécessaires à la survie humaine (principe général), l’exploitation, la transformation et la consommation des ressources ont créé, depuis deux siècles, des problèmes de pollution assez importants pour provoquer l’effet de balancier non souhaité et imprévu : soit de mettre en danger la survie humaine par l’intoxication généralisée de l’eau, de la terre et de l’air qu’on respire.

Loin d’être un problème récent, la pollution atmosphérique demeure néanmoins une source d’intoxication pour l’humain depuis quelques millénaires. Le philosophe Sénèque, en 61 avant J-C, se plaignait déjà de la pollution créée par la combustion du bois dont l’utilisation, par plus de 1 million de Romains, rendait l’air difficilement respirable dans son environnement urbain.

Contrairement à aujourd’hui, les Romains pouvaient compter sur la dispersion des particules dans l’immensité du ciel pour reprendre leur souffle, les sources de pollution étant très localisées dans l’espace et limitées sur un plan géographique. L’industrialisation ayant maintenant atteint toutes les régions du monde à un niveau variable, il est plus difficile à ce moment-là d’éliminer, par la dispersion, des milliers de tonnes de rejets polluants dans l’atmosphère.

Ces contaminants atmosphériques peuvent prendre plusieurs formes : matières gazeuses, liquides ou solides, des odeurs, des rayonnements, radiations ou toute autre combinaison susceptible d’appauvrir la qualité de l’air [2].

De plus, on classe ces contaminants en deux catégories distinctes : les contaminants primaires et les contaminants secondaires. La première catégorie émet directement dans l’atmosphère sous forme de particules ou de gaz, alors que la seconde, toujours composée de particules et/ou de gaz, découle de réactions chimiques ou photochimiques entre des contaminants primaires ou entre ces mêmes contaminants et des constituants normaux de l’atmosphère [3].

Autrement dit, et comme le démontre le tableau ci-dessus, certains phénomènes naturels peuvent davantage polluer l’atmosphère que l’action humaine, sauf dans les régions fortement urbanisées et /ou industrialisées.


1.1 Les émissions de particules polluantes rejetées dans l’atmosphère au niveau mondial

De tailles variables - de 0,0001 micromètre à 1 millimètre - les particules peuvent être composées de pollens, d’insectes et de micro-organismes tels les algues, les bactéries, les virus, etc.

Parmi les sources naturelles, notons que les embruns marins et les poussières soulevées par le vent sont les contaminants primaires les plus importants que l’on retrouve dans l’atmosphère (à + ou - 61 %). Les contaminants secondaires les plus répandus dans l’atmosphère sont, quand à eux, les sulfates, les hydrocarbures (dont le méthane contenu dans le gaz naturel) et les nitrates (à 23 %) [4].

En ce qui a trait aux sources anthropiques - dont la formation résulte de l’intervention humaine - de la pollution atmosphérique, on retrouve, parmi les contaminants primaires, les procédés industriels et les sources fixes de combustion (- de 5 %), alors que les contaminants secondaires résultent de la présence de sulfates, de nitrates et d’hydrocarbure (à 11 %). Il est ironique de constater que plus de 82 %des émissions atmosphériques totales rejetées dans la troposphère ne sont pas imputables à l’intervention humaine.

Ces rejets ont une durée de vie approximative dans l’atmosphère qui varie énormément selon les types de contaminants. À titre d’exemple, on note que :

•Le gaz carbonique prend autour de 100 ans pour disparaître ; •Le méthane disparaît après un séjour de 12 ans dans l’atmosphère ; •Les halo carbures (dont les CFC) séjournent dans l’atmosphère pendant 50 000 ans [5]


2. Le gaz naturel et le méthane : profil d’une énergie renouvelable et polluante

Origine et composition

Composé principalement de méthane, le gaz naturel est un combustible fossile utilisé à des fins résidentielles, commerciales et industrielles. Présent en grande quantité dans les zones souterraines où l’on retrouve des gisements de pétrole, le méthane est le seul hydrocarbure classique qui peut être obtenu grâce à un processus biologique naturel. Il est fabriqué par des bactéries méthanogènes qui vivent dans des milieux anaérobiques, c’est-à-dire dans des milieux peu ou non oxygénés [6]. Chacune des molécules de méthane est composée d’un atome de carbone et 4 atomes d’hydrogène et atteint la température de - 161,4 degrés celsius. Pour être brûlé, il doit atteindre la température de 667 degrés Celsius en présence d’oxygène.

Nous reviendrons plus loin sur les conséquences environnementales du gaz naturel, mais il faut quand même souligner ici que le gaz liquéfié, lorsque refroidit au niveau mentionné ci-haut, est inoffensif pour l’environnement.


2.1 Le méthane, gaz à effet de serre

Qu’est-ce qu’une serre ? Chacun sait que c’est un bâtiment couvert de vitres, qui laisse passer la lumière du soleil, mais empêche que la chaleur qui se forme à l’intérieur de la serre, sous l’effet de la lumière du soleil, ne se dissipe trop vite vers l’extérieur. Deux effets contribuent à retenir la chaleur prisonnière à l’intérieur de la serre : [7] •un effet purement mécanique : les vitres empêchent tout simplement l’air chaud d’aller ailleurs •un « effet de serre » qui correspond en fait à une opacité du verre à l’infrarouge : en réponse à l’énergie reçue de l’extérieur, l’intérieur de la serre chauffe et émet des infrarouges. Or ces infrarouges émis par l’intérieur de la serre sont interceptés par le verre, qui est un matériau très opaque pour ce rayonnement particulier, ce qui empêche l’énergie de dissiper vers l’extérieur et fait monter la température à l’intérieur [8].

Autrement dit, le méthane (CH4) brûlé influe sur le climat en absorbant une partie du rayonnement infrarouge émis par la Terre, ce qui l’empêche de s’échapper vers l’espace. Ce phénomène contribue, avec le rejet massif des dioxydes de carbone (CO2) et du fréon (CFC), au réchauffement de la planète de façon importante. [9] [10]

Les estimations mondiales annuelles des principaux contaminants gazeux montrent que la quantité de méthane rejeté dans l’atmosphère par oxydation photochimique est de l’ordre de 30 * 10(6) tonnes (en incluant les effets des volcans, des feux de forêts et de la décomposition de la chlorophylle), alors que les processus biologiques naturels de production de méthane (par exemple les flatulences de mammifères) sont responsables de 1 450 * 10 (6) tonnes de contaminants rejetés dans l’atmosphère [11].

Dans l’histoire, on constate que le taux de méthane dans l’atmosphère a généralement fluctué au même rythme que la température de la Terre. Cependant, les statistiques démontrent que depuis le milieu du XVIIIe siècle, la concentration de méthane dans l’atmosphère a fait un bond de 150 %et continue, sous la pression de l’activité humaine, de s’accumuler à un rythme soutenu [12].

Plus propre que le pétrole et le charbon, le gaz naturel demeure néanmoins une source de pollution importante. En effet, produire un milliard de joules dégage 14 kilogrammes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, alors que le pétrole en produit 20 kilogrammes et le charbon, 24 kilogrammes [13].


3. Des ports méthaniers sur les berges du Saint-Laurent : profil de projets controversés à Gros-Cacouna et à Lévis

Un port méthanier, c’est quoi ?

Un port méthanier est un terminal maritime où on transporte le gaz naturel liquéfié (GNL) par méthaniers, bateaux à double coque d’acier dont la longueur peut atteindre jusqu’à 300 mètres. Avec des réservoirs placés à proximité des berges riveraines, le port méthanier a pour objectif économique de rendre le gaz naturel exportable par des voies autres que celles généralement empruntées par les gazoducs, lesquels ne peuvent, sur un plan technologique et économique, traverser les océans du monde entier à un coût raisonnable, en toute sécurité et avec la même efficience que les méthaniers.

Au Québec, deux projets de construction de terminaux sont présentement à l’étude, un à Gros-Cacouna et l’autre à Lévis. Les deux étant situés à proximité d’agglomérations humaines de dimension variable, la controverse réside principalement dans le degré de dangerosité que ce produit, hautement inflammable, peut provoquer lorsqu’il explose, par l’augmentation des niveaux de pollution atmosphérique engendrée par la présence de gaz au Québec, les faibles retombées économiques dont le Québec pourrait bénéficier à long terme, ainsi que la destruction ou l’altération de plusieurs habitats naturels marins, humains et fauniques environnants.

Le projet de Gros-Cacouna a été évalué à 675 millions de dollars par ses promoteurs, Pétro-Canada et Trans-Canada Pipeline, alors que le projet de Lévis, dirigé par Gaz Métropolitain (Québec), Gaz de France et Enbridge (Alberta), projette des investissements de l’ordre de 750 millions de dollars [15]. Des sommes qui serviront à construire des terminaux, des réservoirs servant à la regazéification ainsi que des sections de pipeline permettant de se connecter au réseau canadien et étasunien.

Provenant de pays tels la Norvège, le Proche et Moyen-Orient, de l’Afrique et de la Russie, le gaz liquéfié (GNL) impose à ces deux régions du Québec des choix et un dilemme déchirants : protéger l’environnement de ce combustible fossile et la qualité de vie de ses citoyens, ou assurer un développement économique à court terme avec des retombées modestes à long terme.


4. Les conséquences environnementales de ces projets

Dans cette section, nous traiterons des conséquences environnementales prévisibles des projets Énergie Cacouna et Rabaska (Lévis) à partir de la loi québécoise sur la Qualité de l’environnement et de ses conséquences objectifs fixés par le gouvernement canadien en ce qui a trait au protocole de Kyoto.


4.1 La loi québécoise sur la Qualité de l’environnement

Sur un plan légal, le gouvernement du Québec a décrété, en 1972, une loi qui a été amendée en 1988 et qui dit, de façon explicite, sa responsabilité en matière d’assainissement de l’atmosphère [16], entre autres choses :

•Faire de la protection de l’environnement une préoccupation importante pour tous ceux qui mènent des activités susceptibles de modifier la qualité du milieu

•Doter le Québec d’un code de normes conçues pour protéger le milieu ambiant, notamment en ce qui concerne les multiples formes de contamination qui assaillent l’homme contemporain [17] L’article 19.1 de cette même loi accorde, de facto, à tout individu, un droit inaliénable à la qualité de son environnement. L’article se décline comme suit :

•Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, règlements, ordonnances, approbations et autorisations délivrées en vertu de l’un ou l’autre des articles de la présente loi [18].

L’article 20 prévoit également des balises sévères en matière d’émissions de contaminants, notamment :

•Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l’émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l’environnement d’un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par le règlement du gouvernement.

Ici on pense automatiquement aux conditions qui ont mené le Canada (dont le Québec est une composante organique) à signer le protocole de Kyoto, lequel protocole vient renforcer cette loi québécoise qui doit s’appliquer dans le cas de l’exploitation d’une industrie aussi polluante que le gaz naturel.

Par ailleurs, et fait à noter, le gouvernement canadien a également le devoir de faire appliquer, dans le cadre de sa juridiction, les lois environnementales qui découlent de l’article 91 de la constitution. En pratique, cela implique la navigation, le transport international et interprovincial ainsi que la propriété publique. De plus, l’autorité fédérale peut légiférer en matière de protection de l’eau, l’air et les sols partout sur son territoire [19].

La même prohibition s’applique à « l’émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par le règlement du gouvernement, ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer des dommages ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens ». [20]

Le règlement québécois sur la qualité de l’atmosphère (particules en suspension, et autres poussières, monoxyde de carbone, etc.) fixe le cadre et les normes de la qualité de l’air au Québec. C’est dans ce contexte que l’opposition citoyenne s’est manifestée à Lévis et dans le Bas Saint-Laurent. D’abord pour éviter de défigurer des paysages majestueux de beauté - Île d’Orléans, Québec, Ile Verte, Charlevoix au loin - ; ensuite pour préserver des écosystèmes aquatiques, fauniques, floraux et humains ; enfin pour assurer aux habitants la pérennité du charme bucolique d’un environnement exempt de pollution visuelle, atmosphérique et sonore qu’un terminal méthanier viendrait forcément altérer.


4.2 La pollution par le bruit

D’abord le bruit. Selon le Giram (voir glossaire à la fin du texte) du CÉGEP de Lévis, en banlieue de la ville de Québec, des projets dont la construction prendra de 3 à 5 ans pour se réaliser ne peuvent qu’altérer sérieusement la qualité de vie des agglomérations humaines avoisinantes. [21] La perspective de voir circuler, jour et nuit, des centaines de camions - avec toute la pollution par le bruit, le monoxyde de carbone et la poussière qu’une telle opération engendre - deviendrait le lot quotidien de tous ces gens vivant à proximité des terminaux en construction.


4.3 La sécurité

La sécurité est un autre problème important dont il faut tenir compte, selon le GIRAM. Le gaz liquide étant inoffensif à une température de - 161 degrés Celsius, il devient explosif et très inflammable lorsqu’il est réchauffé et que sa concentration dans l’air se situe entre 5 %et 15 %. Le nuage qu’il forme alors peut parcourir plusieurs kilomètres avant de se dissiper. [22]


4.4 Le protocole de Kyoto

Le Canada est signataire du protocole de Kyoto et doit conséquemment réduire, pour 2012, de 6 %ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1992. Or, on constate plutôt que celles-ci ont augmenté de plus de 24 %depuis 1990. Doit-on suivre l’exemple de l’Alberta et de l’Ontario avec, chacune, des industries polluantes telles le pétrole et le gaz pour l’Alberta et les centrales thermiques ontariennes alimentées, elles, au coke de pétrole, un polluant de toute façon aussi néfaste que le charbon ? [23]

Les chiffres obtenus indiquent que chacune des usines de regazéification reliées aux ports méthaniers émettra environ 200 000 tonnes de gaz à effet de serre annuellement, ce qui équivaut au rejet, en CO2, de plus de 40 000 automobiles. Énergie Cacouna sera ultimement responsable du rejet dans l’atmosphère de plus de 11,7 millions de tonnes de GES, alors que Rabaska rejettera plus de 13 millions de tonnes du même GES. [24]

Évidemment, un bateau contenant 160 000 m3 de GNL (l’équivalent de 96 millions de m3 de gaz) livré tous les six jours dans un port méthanier, ça peut provoquer des dégâts importants lors d’un déversement, d’un feu ou d’une explosion. Bien qu’il n’y ait eu aucun accident majeur depuis celui recensé en 1947 à Cleveland, en Ohio, et qui a fait 128 morts en arrachant la vie à un village entier, la preuve a été faite par Environnement Canada que le GNL peut exploser sans flamme lorsqu’il entre en contact avec l’eau et détruire tout sur son passage. [25] Le problème viendrait du nuage de vapeur produit par le GNL, lequel est très inflammable. Lorsque le nuage prend feu, sa propagation sur toute l’étendue du nuage l’amène jusqu’à sa source, le méthanier. [26]

En définitive, ces projets, tels que présentés, ont encore beaucoup de failles sur un plan environnemental, et soulèvent beaucoup d’interrogations sur un plan sécuritaire. Alors pourquoi les promoteurs, appuyés par les politiciens locaux, insistent-ils pour aller de l’avant malgré tout ? La prochaine section tentera de répondre à cette question.


5. Les avantages économiques et politiques des projets

L’Amérique du Nord est le plus gros consommateur de gaz naturel au monde avec 29 %. Au Québec, un seul fournisseur de gaz naturel : l’Alberta dont les réserves baissent depuis quelques années [27]. Pour diversifier l’offre et l’augmenter, on veut construire des ports méthaniers, question de raccorder le GNL aux pipelines du Canada et des États-Unis. Opportunité d’affaires pour les entrepreneurs, est-ce que la construction, l’exploitation et l’entretien de réservoirs à GNL pourraient éventuellement enrichir collectivement le Québec d’emplois directs, indirects et d’impôts ?

Construits aux coûts de 660 millions de dollars par Pétro-Canada et Trans-Canada Pipeline à Gros-Cacouna, et de 750 millions de dollars par Gaz Métro, Gaz de France et Enbridge (Alberta) pour Lévis, les ports méthaniers permettraient de faire travailler, pour une période de 3 à 5 ans, entre 2000 et 5000 travailleurs selon les estimations diverses. [28] Engagés pour construire les ports, les réservoirs de 50 mètres de hauteur et les raccords jusqu’aux pipelines, les travailleurs céderaient ensuite leur place à quelque 50 employés à Lévis et 30 à Cacouna [29]. On anticipe aussi que la transition annuelle de plus de 10 milliards de m3 de gaz par ces ports, soit le double de la consommation actuelle de tout le Québec, n’entraînera pas d’emplois connexes. Destinée à l’exploitation, la majorité du gaz n’augmentera que très peu la richesse collective du Québec. Et aucun emploi indirect.

Les méthaniers et les composantes nécessaires à la fabrication des usines à regazéification n’étant pas fabriqués, conçus et assemblés au Québec, les retombées économiques et technologiques seront nulles. Aucune expertise pour le Québec, très peu d’emplois à long terme, où sont les avantages et à qui profitent-ils ?


5.1 Avantages pour les collectivités locales

L’avantage, pour les collectivités locales, se trouve dans l’augmentation des recettes fiscales des municipalités concernées. En effet, l’arrivée de nouvelles entreprises permet l’ajout d’impôts fonciers substantiels pour ces municipalités.

D’après le GIRAM, le projet Rabaska s’est formellement engagé à verser autour de 10 millions/an en impôts fonciers à la ville de Lévis. [30] À Cacouna, où seulement 700 personnes résident, Énergie Cacouna devrait verser autour de 6, 5 millions par an sur 25 ans. Pour la paroisse de Cacouna, le budget annuel serait engraissé de 3, 75 millions par an. Faciles à convaincre nos élus ? Il semble bien que ces montants aient été avancés pour servir d’appât auprès des populations récalcitrantes, en utilisant la notoriété des élus pour faire mieux passer un projet hautement controversé.

D’après le long article paru dans l’Actualité sur cette question, il semble que des promesses comparables ont été faites, au Nouveau-Brunswick et à l’Île du Cap-Breton, pour ensuite être révisées à la baisse suite à la signature des ententes avec les compagnies engagées dans la construction de ports méthaniers. [31]

L’exemple du projet Irving, au Nouveau-Brunswick, est très éclairant à ce sujet. Sous la pression du géant du pétrole, le gouvernement provincial a adopté, en juillet 2005, une loi modifiant, à la baisse, le rôle d’évaluation de la compagnie pour le port méthanier, le faisant passer de 5 millions à 500 000$ par année, reniant sa promesse faite antérieurement.

La Nouvelle-Écosse a copié cette loi pour permettre à une compagnie texane de réduire des 2/3 l’impôt foncier que Anadahka, la dite compagnie, s’était engagée à payer au trésor public. Tout indique que le stratagème fonctionnerait également au Québec. En effet, le GIRAM révèle qu’à Lévis, la pétrolière Ultramar utilise régulièrement cette méthode pour faire baisser son niveau d’impôt foncier. [32]

On peut donc conclure que des projets de ce type, s’ils ne peuvent provoquer l’adhésion raisonnée des citoyens par des arguments tels la création massive d’emplois à long terme, des retombées économiques et fiscales importantes pour la région et le Québec, préfèrent être menés par la manipulation, la cupidité et le mensonge (antidémocratique). Nous réalisons être à mille lieux du développement durable dont nous reparlerons en conclusion de ce projet.


6. Études comparatives : La France et les États-Unis

Les États-Unis

Le gaz naturel est, comme nous l’avons vu précédemment, un combustible fossile inflammable fort redoutable. Pour éviter les éventuelles catastrophes (explosions et feu), l’ACNOR prévoit, dans ses règlements, un périmètre de sécurité de 350 mètres pour les ports méthaniers. Ce qui semble largement insuffisant si on se fie également à l’étude de James A. Fay du MIT, lequel a dirigé, au tournant du siècle, l’autorité portuaire du Massachussetts , aux États-Unis.

Considérant la capacité d’un méthanier (160 000 m3 de gaz liquéfié), le professeur Fay trouve insuffisante l’hypothèse des promoteurs qu’une fuite de dépasserait pas les 1 000 m3. Il suggère plutôt un périmètre de sécurité de 6 kilomètres pour ce type de projet au Québec. [33]

Aux États-Unis, plusieurs projets (7) ont été rejetés pour des raisons environnementales - préservation des lieux naturels et humains -, mais aussi pour des raisons de sécurité. Malgré la présence de méthaniers à double blindage, on considère le potentiel explosif du GNL assez important pour refuser des ports qui attireraient, selon eux, des terroristes qui menaceraient l’existence de leur communauté. [34]


6.1 La France et ses zones industrielles lourdes fortement contrôlées

Le cas de la France peut nous éclairer davantage sur les dimensions économiques, sécuritaires, environnementales mais aussi par la planification urbaine serrée que les autorités politiques ont imposées aux projets qui comportent un au taux de risques industriels.

Depuis 1965, la France a pris en charge la planification urbaine des zones industrielles à haut risque de contamination, d’explosion et de pollution. En effet, des zones industrielles lourdes ont été créées hors des agglomérations humaines environnantes. Ces zones, nommées tampons, varient de 1km à 10 km. Les raffineries, les terminaux méthaniers, les industries pétrolières et gazières et celles liées au chlore ou aux engrais chimiques sont soumis à des lois et prescriptions très sévères dans ce pays réputé pour ses revendications démocratiques. [35]

Cette loi, qui porte le nom de « Gestion des industries à risques technologiques », impose, aux industries existantes ou projetées, des mesures destinées à assumer une plus grande part de la sécurité aux biens et aux personnes, sans compromettre leur vitalité économique. En contrôlant l’expansion de ces zones et en orientant leurs lieux d’exploitation, la France permet aussi une plus grande efficience économique aux entreprises qui en font partie. Les lieux choisis sont sécuritaires pour les populations et stratégiques pour les entreprises exploitantes (Méditerranée et océan Atlantique à proximité), permettant aux navires d’accéder à la mer en réduisant au minimum le risque de feu et d’explosion, de catastrophes environnementales et d’attaque terroriste. [36]

La planification orientée de la France contraste avec l’improvisation du Québec en la matière (peut-on parler d’insouciance ou d’une dangereuse ignorance ?). En voulant placer cette industrie « méthanière » dans un corridor étroit rempli de bateaux (8000 par an) et de populations variées (humaines, animales et florales), on augmente les risques de contamination, de pollution et d’accident. Les marées, les glaces et les vents violents peuvent provoquer ce qu’on évite en France par une planification politique intelligente : une catastrophe. [37]


Conclusion

Le développement durable

Après avoir complété ce voyage d’étude en France, les chercheurs du GIRAM ont conclu que le gouvernement du Québec devrait mieux encadrer, planifier et faire comprendre la nature véritable de l’industrie des GNL. Peu de retombées économiques, peu d’emplois à long terme, augmentation des risques pour la population, l’atmosphère et l’environnement, aucun transfert ou valeur technologique ajoutée et non-respect des accords de Kyoto, on se retrouve devant des projets qui sont à mille lieux du développement durable.

Le développement durable, qui consiste à faire du développement économique qui ne mette pas en péril l’avenir des générations futures, ne peut s’appliquer aux projets de Cacouna et de Lévis. Est-ce que ces projets offrent un avenir aux générations futures ?

Notre réponse ne surprendra personne. Pour des raisons simples, nous croyons que ces projets devraient faire l’objet d’études approfondies au préalable, d’un déplacement hors de zones humaines et de consultations neutres avec le milieu environnemental, les groupes de citoyens concernés (c’est à dire tout le monde), les spécialistes et les entrepreneurs avant de prendre une décision éclairée. Mais à la lumière des informations obtenues dans le cadre de ce projet, il semble que ces projets doivent être sabordés.

Parce que nous croyons que ces projets sont de très mauvaise qualité. Peu d’emplois directs et aucun emploi indirect, des risques environnementaux élevés, peu de retombées économiques à long terme et une destruction majestueuse d’écosystèmes qui amènent, année après année, plusieurs milliers de touristes et de résidents saisonniers dans ces régions (Québec, Chaudière/Appalaches et le Bas Saint-Laurent).

Il est cependant impératif de se pencher sur l’avenir économique de régions ressources. L’éco-tourisme peut être une solution intéressante à envisager. Mais faire du développement économique à court terme, sans vision et sans respect pour le protocole de Kyoto (notre avenir passe par le contrôle des sources de pollution), c’est carrément se tirer dans le pied !


Notes

1. Jean, Yves, Introduction à la gestion des ressources naturelles, Éditions TÉLUQ, 1994, page 143 2. Idem, page 149 3. Idem, page 149 4. Idem, tableau page 151 http://www.manicore.com/documentation/serre/gaz.html (source : Jean-Pierre Mancovici, ingénieur-conseil) http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thane Kandel, Robert, L’Incertitude des climats, éditions Pluriel, 1998, pages 69-82 http://www.manicore.com/documentation/serre/physique.html http://www.manicore.com/documentation/serre/gaz.html Jean, Yves, Introduction à la gestion des Ressources Naturelles, Éditions TÉLUQ, 1994, page 158 Jean, Yves, Introduction à la gestion des Ressources Naturelles, Éditions TÉLUQ, 1994, page 153 http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thane#Quelques_propri.C3.A9t.C3.A9s Jean, Yves, Introduction à la gestion des ressources naturelles, Éditions TÉLUQ, 1994, page 371 http://www.gaz-naturel.ch/433.html# l’Actualité : www.lactualité.com/economie/article.jsp ?content=20060104_103136_5616 Jean, Yves, op. cit., page 503 Jean, Yves, op. cit., page 504 Jean, Yves, op. cit., page 505 Jean, Yves, op. cit., pages 502-503 Jean, Yves, op. cit., page 505 GIRAM : www.clevislauzon.qc.ca/giram/terminal_methanier l’Actualité, version complète sur le web : op. cit. http://www.radio-canada.ca/regions/ontario/Dossiers/environnement2_566.shtml http://www.greenpeace.ca/f/ et l’Actualité, op. cit. l’Actualité, op. cit. et http://www.climatechange.gc.ca/francais/ l’Actualité, op. cit. l’Actualité, op. cit. l’Actualité, op. cit. www.rabat-joie.org l’Actualité, op. cit. et GIRAM op. cit. l’Actualité, op. cit GIRAM, op. cit. GIRAM, op. cit. l’Actualité, op. cit. GIRAM, op. cit. GIRAM, op. cit. GIRAM, op. cit.

Glossaire

• ACNOR : Association Canadienne de la Normalisation • DNV : Det Norske Veritas, firme de consultants norvégiens en risques managérials • GES : Gaz à Effet de Serre • GIRAM : Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu • GNL : Gaz naturel liquéfié • MIT : Massachussetts Institute of Technology

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