Revue de presse des réactions au rapport Castonguay
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En avoir pour son argent
Face aux déluges de réactions quant à l’avenir de notre système de santé, je vous présente ma Revue de presse des réactions au rapport Castonguay. Ont été consultés les principaux organes de presse suivant : Le Devoir,
N.B. : Les passages en gras sont de moi.
D’abord, un petit rappel. Le 27 juin dernier, le Conseil des ministres confirmait le mandat donné au groupe de travail Castonguay. Celui-ci devant porter sur «un financement adéquat pour le système de santé, et se pencher sur des questions précises, comme le rôle du privé ou l'identification de sources additionnelles de financement (Alain Dubuc, cyberpresse.ca, 20 février 2008) ». Ceci était confié à 3 personnes, un délégué par parti politique. L’ADQ désignait Joanne Marcotte, « la réalisatrice du documentaire pamphlétaire L'Illusion tranquille, qui dénonce le modèle québécois, dont son système de santé» (Robert Dutrisac, Le Devoir, 20 février 2008). Le PQ choisissait Michel Venne, le directeur de l’Institut du Nouveau et chroniqueur au Devoir tandis que les Libéraux assignaient le très médiatique Claude Castonguay.
Avant de continuer, il faut souligner que M. Castonguay, pour tout père de l’assurance-maladie qu’il passe être (M. Mulcair se plaît à rappeler «que quelques décennies auparavant, un certain Tommy Douglas, qui est en même temps le père du NPD, a commencé le premier système d'assurance-maladie dans l'Ouest canadien» - Hugo de Grandpré, cyberpresse.ca, 20 février 2008) prône depuis plusieurs années la possibilité de s’offrir les soins en fonction des sous que chacun possède. Comme pour l’achat d’une voiture.
Le rapport comporte 37 recommandations (p.283 -292). Les 2 premières donnent pour objectif au gouvernement de réduire la croissance des dépenses publiques et de revoir la structure de la couverture publique (Rapport Castonguay, p. 302). Les autres recommandations couvrent :
- Le développement de la 1ère ligne;
- L’accès au soin (mixité de pratique, ouverture à l’assurance privée);
- Le maintien au domicile et le vieillissement de la pop;
- L’utilisation et le coût de la médication (revoir l’assurance-médicament, diminuer les exemptions et hausse de la contribution des adhérents);
- La gouvernance des établissements (organisation du travail, performance et rentabilité, décentralisation, gestion privée);
- Création de l’Institut national d’excellence en santé (regrouperait le Conseil du médicament du Québec, l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé ainsi que le Commissaire à la santé et au bien-être; le nouvel institut verrait à l’évaluation du panier de services couverts par l’assurance; favoriser l’émergence d’une économie de la santé);
- Le développement du dossier électronique;
- Une diversification des sources de revenus (fond de stabilisation, franchise, hausse d’un point de taxe, révision des frais accessoires en fonction des types de clinique, réévaluation des frais administratifs);
Plusieurs points ont réussi à attirer l’attention, notamment grâce à la dissidence de M. Venne. 3 points précis sont visés par l’annexe 3, sous motif qu’ils constituent des «accrocs à la logique d’ensemble du rapport. Ils créent une division et suscitent des interprétations contradictoires» (Rapport, p.299). Il est à noter que M. Venne plaide pour un rapport «pro-public» (idem, p.300). Cette position soulève l’ire de la co-présidente, Mme Marcotte, pour qui le rapport est «n'est ni pro-public, ni pro-privé: il est pro-santé. Vouloir perpétuer le faux débat public-privé est, à mon avis, contre-productif, dogmatique, réducteur et diviseur» (Robert Dutrisac, Idem), tout en sublimant sa propre partisannerie, qu’elle étale en disant que «ce qui va sortir du rapport, c'était le programme de l'ADQ de 2002», soit l'ajout d'une offre de soins en provenance du secteur privé.» (Idem).
La dissidence de M. Venne porte sur le décloisonnement de la pratique médicale (médecins pouvant pratiquer à la fois au public et au privé, alors qu’en ce moment, les médecins doivent choisir l’un ou l’autre système), l’ouverture plus grande aux assurances privées et la concession de l’administration des hôpitaux à de agences de gestion spécialisées. Ces points créent d’après lui «une diversion quant à notre message principal» (Rapport, p.303)
Sur le décloisonnement et l’assurance, on peut lire que «les ouvertures faites récemment au privé suscitent un certain appétit chez une minorité de médecins tentés de se retirer su système public.» (Rapport, p.302) Tout en soulignant la pénurie de médecins mentionnés par plusieurs intervenants, M. Venne conclue que «le décloisonnement de la pratique médicale couplé à l’extension de l’assurance privée inciterait d’autres médecins à se désengager au moins partiellement du système public. Cette situation aurait pour effet d’accroître les difficultés liées à la pénurie actuelle» (Idem).
Quant à la gestion par le privé, M. Venne insiste pour une mobilisation accrue des acteurs du système public, sans toutefois donner l’impression de préparer le terrain au secteur privé. C’est dans cette optique qu’il affirme que «confier à une compagnie privée l’administration d’un hôpital serait perçue comme une motion de non confiance à l’endroit des gestionnaires du système public» (Rapport, p.303). M. Castonguay quant à lui «dit que le Québec serait fou de se passer de l'expertise de groupes reconnus comme SNC-Lavalin pour gérer des hôpitaux» (André Noël et Arianne Lacoursière, cyberpresse.ca, 22 février 2008).
Le ministre Couillard n’a pas tardé à faire connaître ses réactions. Il a dit ne pas partager les visions d’apocalypse servie par le rapport (et les médias). Sur les ondes de Radio-Canada, le 21 février 2008 à 9h, il faisait le constat de la situation quant à la hausse des dépenses publiques. Selon lui, Tous les pays de l’OCDE, qu’ils aient ou non un système de santé mixte et/ou parallèle, expérimentaient la même hausse de 5 à 7%.des dépenses. Les facteurs responsables? Les développements de la technologie et les soins pharmaceutiques. Les conditions démographiques ne sont pas les principaux responsables. Quant au Rapport lui-même, M. Couillard a fait part de ses remarques sur toutes les tribunes.
Sur les sources de revenus, il «a d'emblée repoussé une de ses principales recommandations: hausser la taxe de vente du Québec (TVQ) de 0,5 % ou de 1 %» (R. Dutrisac, op. cit.). Quant à la franchise (formule voulant que les cliniques de santé puissent charger jusqu’à 100$ par patient pour être pris en charge par un médecin de famille- équivalent de la formule coopérative- M.Couillard a eu ces mots : ««Telle que présentée, nous considérons cette mesure difficilement applicable et même critiquable, mais cependant nous désirons que le débat se fasse», a-t-il dit. Les expériences internationales «sont très mitigées en ce domaine», et cette formule veut qu'on soit «forcé par nature à multiplier les exemptions». (Louise-Maude Rioux Soucy, Le Devoir, 20 février 2008). Se disant «en faveur d'une telle possibilité, (il) croit néanmoins que pratiquement, le Québec n'est pas à la veille de voir autoriser ce type de pratique» (R. Dutrisac, idem).
Alors qu’André Dubuc s’étendait sur l’échec perçue des efforts de M. Castonguay (cyberpresse.ca, 20 février 2008), M. Couillard lui «accepte la recommandation du rapport Castonguay visant à restructurer la gestion générale du réseau de la santé.» (R. Dutrisac, op. cit.) ainsi que la gestion des hôpitaux par le privé. De plus, le 21 février 2008 à 9h sur les ondes de Radio-Canada, il ré-affirmait son accord pour la mixité de la pratique.
Quant aux autres acteurs de la santé, la réaction est mixte. «Le Collège des médecins du Québec a lui aussi salué «des solutions réalistes, pragmatiques et applicables à court et moyen terme». Le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert, s'est notamment dit rassuré par les verrous prévus par le comité, si jamais Québec décidait de donner le feu vert à la mixité. Quant à la franchise, il s'agit d'un instrument de responsabilisation fort intéressant qui existe déjà dans les coopératives de santé.» (L.-M. Rioux Soucy, idem). L’Ordre des infirmières s’est aussi prononcé par l’entremise de sa présidente. «Gyslaine Desrosiers, a déploré la polarisation qui d'ores et déjà s'est installée au Québec. Elle endosse d'ailleurs pleinement la dissidence de Michel Venne, tant sur la mixité que sur une ouverture plus grande aux assurances privées et sur l'idée de confier la gestion des hôpitaux à des sociétés privées. «Ce sont là des irritants inutiles qui viennent jeter un doute sur ce rapport qui mérite pourtant qu'on l'examine de plus près.» (Idem).
Si d’aventure vous n’étiez pas certains des enjeux et des convoitises entourant ce rapport, ceci devrait faire éclairer vos lanternes. Ainsi «Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) estime qu'il n'y a que du bon dans ce rapport» et «La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) juge pour sa part que la préservation d'un système de santé universel de qualité passe forcément par une plus grande implication du secteur privé dans la livraison des soins de santé» (Idem). Et si ce n’était pas encore assez clair, sachez que le lendemain du dépôt, le 21 février 2008, M. Castonguay lui-même est allé défendre son bébé devant la Chambre de Commerce de Montréal!
J’espère que ce petit tour d’horizons aura élargit votre compréhension sur ce qui se trame en santé au Québec.
Guillaume Boucher
citoyen
Mtl,
Sources :
Rapport complet:
http://www.ledevoir.com/societe/documents/RapportFR_FinancementSante.pdf
Rapport sommaire :
http://www.financementsante.gouv.qc.ca/fr/rapport/index.asp
Site officiel :
http://www.financementsante.gouv.qc.ca/
Le Devoir :
ledevoir.com
Cyberpresse :
cyberpresse.ca
Direction de la Santé Publique
http://www.santepub-mtl.qc.ca/direction/publicprive.html (point de vue des directeurs de la Santé publique)
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