Émission de radio L'Autre Monde

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samedi 2 mai 2009

Sur Mondialisation.ca: Les États-Unis se préparent pour l'implosion sociale

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Crise économique, pandémie, peu importe, les plans sont prêts pour l'implosion sociale et l'imposition de la loi martiale avec son lot de camps d'internement et la suspension des droits et libertés. Vous pouvez lire cet article que j'ai écrit il y a quelques semaines et celui de Michel Chossudovsky à ce propos.

Camps d’internement du Homeland Security & du FEMA en cas troubles civils


Les États-Unis se préparent pour l'implosion sociale

- par Michel Chossudovsky

Un projet de loi établirait des camps d’internement sur des bases militaires étasuniennes

Mondialisation.ca, Le 30 mars 2009


La crise économique et sociale

La débâcle financière a déclenché l’émergence d’une crise sociale latente à travers les États-Unis.

La confiscation frauduleuse d’épargnes de toute une vie et de fonds de pension, ainsi que l’appropriation des recettes fiscales pour financer les « sauvetages bancaires » de billions de dollars sont en jeu, et servent ultimement à remplir les poches des plus riches des États-Unis.

Cette crise économique est en grande partie le résultat de manipulation financière et de fraude délibérée au détriment de populations entières, ce qui mène à une nouvelle vague de faillites corporatives, de chômage et de pauvreté généralisés.

La criminalisation du système financier mondial, caractérisé par un « réseau bancaire fantôme », a entraîné la centralisation du pouvoir bancaire et une concentration sans précédent de richesses personnelles.

Le stimulus économique et la proposition budgétaire du président Obama favorisent ce processus de concentration et de centralisation du pouvoir bancaire, dont les effets cumulés provoqueront tôt ou tard des faillites d’entreprises à grande échelle, une nouvelle vague de saisies, sans parler de l’effondrement des finances publiques et de la ruine des programmes sociaux. (Pour plus de détails voir Michel Chossudovsky, La débâcle fiscale des États-Unis, 2 mars 2009).

Le déclin progressif de l’activité économique réelle a des répercussions sur l’emploi et les salaires, ce qui entraîne la dégringolade du pouvoir d’achat. Pour sa part, la « solution » proposée par l’administration Obama contribue à exacerber les inégalités et la concentration de la richesse plutôt qu’à les réduire.

Le mouvement de protestation

Lorsque les Étasuniens, dont les vies ont été démolies, réaliseront ce qu’est vraiment le système mondial de « libre marché », la légitimité de Wall Street, de la Réserve fédérale et du gouvernement des États-Unis seront contestées.

Un mouvement de contestation latent visant le siège du pouvoir économique et politique se met en branle.


Il est cependant difficile de prédire comment ce processus va se dérouler. Tous les secteurs de la société étasunienne sont potentiellement touchés : les salariés, les petites, moyennes et même les grandes entreprises, les fermiers, les professionnels, les employés fédéraux, municipaux ainsi que ceux des États. À ce stade-ci, il n’existe toutefois pas de mouvement de résistance national organisé dirigé contre l’agenda économique et financier du gouvernement.

La rhétorique populiste de Barack Obama dissimule la vraie nature de la politique macroéconomique. Combiné à des mesures d’austérité, le plan économique, qui agit au nom de Wall Street et inclut près d’un billion de dollars d’« aide » pour l’industrie des services financiers, favorise l’enlisement des États-Unis dans une crise sans fin.

La « solution orwellienne » à la Grande Dépression ? Réprimer les troubles civils.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme de relance économique en vue. Le consensus Washington-Wall Street prévaut et le système économique et politique ne propose aucune politique ni aucune alternative.

Quelle est l’issue ? Comment le gouvernement des États-Unis va-t-il affronter une catastrophe sociale imminente ?

La solution consiste à réprimer l’agitation sociale. La méthode choisie, héritée de l’administration Bush sortante, comprend le renforcement de l’appareil de sécurité intérieure (Homeland Security) et la militarisation des institutions civiles.

L’administration sortante en a jeté les bases. Diverse législations « antiterroristes » (dont le Patriot Act) ainsi que des directives présidentielles ont été mises en place depuis 2001, en invoquant la plupart du temps le prétexte de la « guerre mondiale au terrorisme ».

Les camps d’internement du Homeland Security

Relativement à la question des troubles civils, on envisage également un système cohésif de camps de détention sous la juridiction du Pentagone et du Homeland Security.

Un projet de loi intitulée National Emergency Centers Establishment Act (HR 645) (Acte de constitution de centres nationaux de secours d’urgence) a été présenté au Congrès en janvier. Celui-ci exige la mise en place de six centres d’urgence nationale dans des installations militaires existantes dans des régions importantes du pays.

Le but officiel des « centres d’urgence nationale » est de fournir « de l’assistance médicale et humanitaire ainsi qu’un hébergement temporaire aux individus et aux familles délocalisés en raison d’une urgence ou d’un désastre important ». HR 645 stipule que les camps peuvent être utilisés pour « satisfaire d’autres besoins appropriés, selon ce qu’en juge le secrétaire du Homeland Security ».

Il n’y a pratiquement pas eu de couverture médiatique du HR 645.

Ces « installations civiles » sur des bases militaires étasuniennes seraient établies en coopération avec l’Armée étatsunienne. Nous assistons en fait à la militarisation des installations d’internement de FEMA, ayant Guantanamo comme modèle.

En vertu de l’urgence nationale, toute personne arrêtée et internée dans un camp FEMA situé sur une base militaire serait, selon toute probabilité, de facto sous juridiction militaire : la justice civile et la loi, y compris l’habeas corpus, ne s’appliqueraient plus.

HR 645 est directement lié à la crise économique et à d’éventuelles manifestations d’envergure à travers le pays. Ce projet de loi constitue un pas de plus vers la militarisation du maintien de l’ordre et l’abrogation du Posse Comitatus Act.


Selon les termes du député Ron Paul :

« […] les centres de fusion, la militarisation policière, les caméras de surveillance et le commandement militaire national ne suffisent pas […]. Même si nous savons que les installations de détention sont déjà en place, ils veulent maintenant légaliser la construction de camps FEMA sur des bases militaires en invoquant l’éternelle excuse populaire voulant que ces installations puissent servir en cas d’urgence nationale. La fausse économie fondée sur la dette se détériorant jour après jour, l’éventualité de troubles civils menace de plus en plus l’establishment. L’on a qu’à penser à l’Islande, à la Grèce et à d’autres pays pour savoir ce qui pourrait se produire aux États-Unis. (Daily Paul, septembre 2008, souligné par l’auteur)

Les camps d’internement proposés devraient être vus comme étant liés au processus élargi de militarisation des institutions civiles. La construction de ces camps a précédé la présentation de HR 645 (Constitution de centres de secours d’urgence) en janvier 2009. Selon divers reportages (non confirmés), il existe quelque 800 camps de prisonniers FEMA dans différentes régions des États-Unis. De plus, depuis les années 1980, l’Armée étasunienne a développé des « tactiques, des techniques et des procédures » pour réprimer la dissidence civile, lesquels seraient utilisés advenant des protestations massives (le manuel de campagne de l’Armée étasunienne 19-15 sous Operation Garden Plot, intitulé « Civil Disturbances » ou « Troubles publics », a été émis en 1985)

Au début de 2006, des recettes fiscales étaient allouées à la construction de camps d’internement modernes. En janvier 2006, Kellogg Brown and Roots, une filiale de Halliburton à l’époque, a décroché un contrat de 385 millions de dollars du Département de l’immigration et des douanes (ICE) du Homeland Security :

« Le contrat, effectif immédiatement [janvier 2006], prévoit l’établissement d’installations de détention et de traitement temporaires afin d’augmenter le nombre d’installations servant aux opérations de mise sous garde et de renvoi de l’ICE (Detention and Removal Operations (DRO)), advenant l’arrivée massive d’immigrants aux États-Unis en cas d’urgence ou de soutenir le développement rapide de nouveaux programmes.

Le contrat prévoit également le soutien à la détention d’immigrants dédié à d’autres organisations gouvernementales en cas d’immigration d’urgence, ainsi que la conception d’un plan en réponse à une urgence nationale, comme un désastre naturel. (KBR, 24 janvier 2006 souligné par l’auteur) »

Les objectifs officiels de l’Immigration et de la douane des États-Unis (U.S. Immigration and Customs Enforcement (ICE)) sont :

« […] protéger la sécurité nationale et maintenir la sécurité publique en ciblant des réseaux criminels et des organisations terroristes cherchant à exploiter les faiblesses de notre système d’immigration, de nos réseaux financiers, de nos frontières, de nos installations gouvernementales et autres afin de nuire aux États-Unis. Les États-Unis seront alors davantage en sécurité. (Page d’accueil de l’ICE)

Les médias étasuniens restent muets sur le sujet des camps d’internement en sol américain. Alors qu’ils reconnaissent simplement le contrat de plusieurs millions de dollars à la filiale de Halliburton, les reportages se sont concentrés sur le possible « dépassement des coûts » (semblables à ceux de KBR en Iraq ).

Quels sont l’intention politique et le but de ces camps? L’utilisation potentielle de ces camps d’internement pour la détention de citoyens étasuniens advenant la déclaration de la loi martiale ne font pas l’objet de débat ou de discussion dans les médias.

Des unités de combat assignées au pays.

Durant les derniers mois de l’administration Bush, avant les élections présidentielles de novembre 2008, le Département de la Défense a ordonné le rappel de l’Irak de la 3rd Infantry’s 1st Brigade Combat Team (BCT). La relocalisation d’une unité de combat d’un théâtre de guerre à l’ensemble du pays fait partie intégrante de l’agenda du Homeland Security. Le BCT a été assigné au soutien des activités de maintien de l’ordre aux États-Unis.

L’unité de combat BCT était attachée au US Army North, la composante de l’Armée du US Northern Command (USNORTHCOM). La 1st BCT et d’autres unités de combat pourraient être appelées à exercer des fonctions militaires spécifiques en cas de troubles civils.

Les soldats de la 1st BCT apprendront à utiliser « les premières mesures inoffensives développées par l’Armée », affirmait le commandant de la 1st BTC, le colonel Roger Cloutier, en faisant référence à l’équipement de contrôle des foules et de la circulation et aux armes inoffensives conçues pour maîtriser des individus désobéissants ou dangereux sans les tuer. (Voir Gina Cavallaro, Brigade homeland tours start Oct. 1, Army Times, 8 septembre 2008).

On peut s’attendre à ce que d’autres unités de combat soient rapatriées du théâtre de guerre et réassignées aux États-Unis en vertu du retrait des forces étasuniennes d’Irak proposé par l’administration Obama.

L’évolution du scénario de la sécurité nationale se caractérise par le croisement des instituions civiles et militaires.

- des unités de combat de l’Armée travaillant de concert avec les autorités chargées de l’application de loi et ayant pour mission de réprimer « les troubles civils ».

- la constitution de nouveaux camps d’internement sous juridiction civile situés dans des installations militaires étasuniennes.

Les camps d’internement FEMA font partie du plan Continuity of Government (Continuité du gouvernement, COG), lequel serait mis en place si l’on déclarait la loi martiale.

Ces camps sont conçus pour « protéger le gouvernement » contre les citoyens, en enfermant les manifestants ainsi que les activistes qui pourraient contester la légitimité de l’agenda économique, militaire ou de sécurité nationale du gouvernement.

Espionner les Étasuniens : la banque de données de Big Brother

Relativement à la question de l’internement et de protestations massives, on peut se demander comment se fera la collecte d’informations sur les citoyens étasuniens.

Comment les individus à travers les États-Unis seront-ils catégorisés ?

Quels sont les critères du Departement of Homeland Security ?

Dans un rapport de 2004 du Homeland Security Council initulé Planning Scenarios, pertaining to the defense of the Homeland (Planification de scénarios relatifs à la défense du pays), on identifiait les catégories suivantes de « conspirateurs » potentiels :

« les terroristes [islamiques] étrangers »;

« les groupes nationaux radicaux » [groupes antiguerres et des droits de la personne];

« les adversaires soutenus par des États » [« les États voyous » et les « pays instables »];

« les individus mécontents » [les travailleurs activistes et les syndicats].

En juin l’an dernier, l’administration Bush a émis une Directive présidentielle de Sécurité nationale (NSPD 59- HSPD 24) intitulée Biometrics for Identification and Screening to Enhance National Security (La biométrie pour l’identification et la surveillance afin d’améliorer la Sécurité nationale). (Pour plus de détails voir Michel Chossudovsky, "Big Brother" Presidential Directive: "Biometrics for Identification and Screening to Enhance National Security", Mondialisation.ca, juin 2008)

Les procédures correspondant à cette directive, adoptée sans débat public ni l’approbation du Congrès, ont une portée considérable. Elles sont liées à la question des troubles civils et font également partie de la logique derrière l’établissement des camps d’internement FEMA sous HR 645.

NSPD 59 (Biometrics for Identification and Screening to Enhance National Security) va bien au-delà de la question précise de l’identification biométrique. Elle recommande la collecte et le stockage d’informations « liées à la biométrie », c’est-à-dire, d’informations sur la vie privée des citoyens étasuniens, dans les détails, le tout étant effectué « selon la loi ».

« Les données contextuelles complétant les données biométriques incluent des informations sur le lieu et la date de naissance, la citoyenneté, l’adresse actuelle et les précédentes, l’emploi actuel et les antécédents de travail, le numéro de téléphone actuel et les précédents, l’utilisation des services gouvernementaux et les rapports d’impôts. D’autres données contextuelles peuvent comprendre les historiques bancaires et de cartes de crédit, et les casiers judiciaires aux niveaux local, fédéral et des États, ainsi que des décisions judiciaires et autres dossiers publics faisant état de conflits juridiques, des dossiers relatifs à la garde d’enfant, au mariage ou au divorce. » (Voir Jerome Corsi, juin 2008)

Cette directive utilise le 11 septembre et la « guerre mondiale au terrorisme » comme justification totale pour mener une chasse aux sorcières contre les citoyens dissidents, créant simultanément un climat de peur et d’intimidation à travers le pays.

Elle réclame également l’intégration de diverses banques de données, ainsi qu’une coopération entre les agences concernant le partage d’informations, dans le but de centraliser tôt ou tard les informations sur les citoyens étasuniens.

En des termes prudents, NSDP 59 « établit un cadre » afin de permettre au gouvernement fédéral et ses différents services de police et de renseignement ce qui suit :

« l’utilisation de méthodes et de procédures mutuelles compatibles dans la collecte, le stockage, l’utilisation, l’analyse et le partage d’informations biométriques et d’informations biographiques et contextuelles correspondantes de manière appropriée et légales, en respectant la confidentialité des renseignements des individus et leurs garanties juridiques selon la loi des États-Unis »

La directive NSPD 59 recommande « des actions et un calendrier afférent dans le but d’améliorer le processus actuel d’identification et de surveillance axé sur les terroristes en élargissant l’utilisation de la biométrie ».

Les procédures incluses dans la NSDP 59 correspondent à une décision prise en juin 2005, laquelle consistait à créer un « service d’espionnage national », sous les auspices du FBI. (Pour plus de détails voir Michel Chossudovsky, Bush Administration creates "Secret State Police, 30 juin 2005)

En travaillant main dans la main avec le Homeland Security (DHS), le projet de « Département de renseignement national » combinerait le contre-terrorisme et les opérations d’espionnage et de renseignement du FBI dans un seul service.

Sous les auspices du FBI, le nouveau département aurait l’autorité de « saisir les biens de personnes suspectées d’aider à la prolifération des armes de destruction massives ». Il pourrait « espionner aux États-Unis les terroristes présumés ou les personnes possédant des renseignements cruciaux, même si l’on ne soupçonne pas qu’elles pourraient commettre un crime ». (NBC Tonight, 29 juin 2005).


Lire l’annexe «

National Emergency Centers Establishment Act » dans l’article en anglais.


Article original en anglais, Preparing for Civil Unrest in America, Legislation to Establish Internment Camps on US Military Bases, publié le 18 mars 2009.

Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.


Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur d'économie à l'Université d'Ottawa. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues).


© Droits d'auteurs Michel Chossudovsky, Mondialisation.ca, 2009

L'adresse url de cet article est:
www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=12956


vendredi 1 mai 2009

Sur Mondialisation.ca: La débâcle fiscale des États-Unis

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La débâcle fiscale des États-Unis

par Michel Chossudovsky

Mondialisation.ca


Écoutez l’entrevue (en anglais) de Michel Chossudovsky à l’émission de Bonnie Faulkner Guns and Butter sur les ondes de Pacifica (KPFA):

AUDIO « La débâcle fiscale des États-Unis – Le budget Obama appauvrira le pays », mars 2009



« Nous allons reconstruire, nous ressaisir et les États-Unis d’Amérique en sortiront plus forts. » (Le président Barack Obama, Discours à la nation, 24 février 2009)

« Ceux d’entre nous qui gèrent les deniers publics seront responsable – de dépenser intelligemment, de réformer les mauvaises habitudes et de faire notre travail au grand jour – car c’est le seul moyen de rétablir cette confiance cruciale entre un peuple et son gouvernement. » (Le président Barack Obama, Une nouvelle ère de responsabilité, Budget 2010)



« Une médecine économique dure » au « visage humain »

« De l’espoir au cœur du péril. » Les priorités mentionnées dans le plan économique du président Obama sont la santé, l’éducation, l’énergie renouvelable, l’investissement dans les infrastructures et le transport. Au premier plan figure « une éducation de qualité ». M. Obama a également promis « des soins de santé et plus accessibles et plus abordables », pour tous les Étatsuniens.


À première vue, la proposition budgétaire a toutes les apparences d’un programme expansible, d’un « Second New Deal » axé sur la demande, la création d’emploi, la restauration des programmes sociaux démolis et la relance de l’économie réelle.


La réalité est tout autre. L’espoir de M. Obama est basé sur un gigantesque programme d’austérité. Toute la structure fiscale est anéantie, sens dessus dessous.


Afin d’atteindre les objectifs en cause, une hausse significative des dépenses publiques destinées au programmes sociaux (incluant la santé, l’éducation, le logement et la sécurité sociale) ainsi que l’adoption d’un programme d’investissement public à grande échelle seraient nécessaires. Des changements considérables dans la structure des dépenses publiques seraient également requis, comme le retrait d’une économie de guerre impliquant l’abandon des dépenses liées au militarisme en faveur des programmes publiques.


En vérité, il s’agit de la réduction la plus radicale des dépenses publiques de l’histoire des États-Unis, menant à la dévastation sociale et à l’appauvrissement potentiel de millions de personnes.


L’espoir de Barack Obama sert largement les intérêts de Wall Street, des entrepreneurs oeuvrant dans la défense et des conglomérats du pétrole. En revanche, les « sauvetages » bancaires de MM. Bush et Obama conduisent les États-Unis dans une crise accélérée de la dette publique et les bouleversements économiques et sociaux qu’ils provoquent sont potentiellement dévastateurs.


Soumis au Congrès le 26 février 2009, le budget du président Obama envisage des dépenses de 3,94 billions de dollars pour l’exercice financier 2010 (débutant le 1er octobre 2009), une hausse de 32 pour cent. Selon les estimations préliminaires de l’

Office of Management and Budget, les revenus totaux pour ce même exercice sont de l’ordre de 2,381 billions de dollars.


Le déficit prévu (selon le discours du président) atteint les 1,75 billions, soit presque 12 pour cent du produit intérieur brut (PIB) américain.


La guerre et Wall Street


Il s’agit d’un « budget de guerre ». Les mesures d’austérité frappent tous les principaux programmes de dépenses fédéraux à l’exception 1) de la Défense et la guerre au Moyen-Orient ; 2) du sauvetage bancaire de Wall Street ; 3) des paiements d’intérêts sur l’exorbitante dette publique.


Le budget détourne les recettes fiscales vers le financement de la guerre et légitime leur transfert frauduleux à l’élite financière par le biais des « sauvetages bancaires ».


Le caractère du budget déficitaire n’est pas expansible. Il ne s’agit pas d’un déficit de style keynésien qui stimule l’investissement ainsi que la demande des consommateurs et entraîne la croissance de la production et de l’emploi.


Les « sauvetages bancaires » (impliquant plusieurs initiatives financées par les impôts) constituent une composante des dépenses gouvernementales. Ces renflouements, à la fois ceux de MM. Bush et Obama, sont des « cadeaux » aux principales institutions financières et ne serviront pas à relancer l’économie. Au contraire : ces sauvetages contribuent à financer la restructuration du système bancaire ayant pour effet de concentrer la richesse et centraliser le pouvoir bancaire.

Une grande partie de l’argent subventionnée par le gouvernement américain et dédiée au renflouement sera transférée électroniquement dans divers comptes affiliés, y compris les fonds spéculatifs (hedge funds). Les plus grandes banques des États-Unis utiliseront aussi ces fonds inattendus pour racheter leurs compétiteurs plus faibles, consolidant ainsi leur position. Par conséquent, la tendance qui se dessine est une nouvelle vague de fusions, d’acquisitions et de rachats corporatifs dans l’industrie des services financiers.


Pour leur part, les élites financières consacreront ce volume important de liquidités (paper wealth ou richesse de papier) et les milliards de dollars amassés par le biais de transactions spéculatives au rachat de compagnies dans l’économie réelle (transport aérien, industrie automobile, télécommunications, médias, etc.) et dont la valeur boursière a dégringolé.


Essentiellement, un déficit budgétaire (combiné à des réductions massives dans les programmes sociaux) est nécessaire au financement de ces « dons » aux banques, des dépenses liées à la Défense et du renforcement de la présence militaire au Moyen-Orient. Le budget Obama projette ce qui suit :


1. Des dépenses militaires de 534 milliards pour l’année 2010, 130 milliards de crédits supplémentaires pour l’exercice 2010 destinés aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, ainsi que 75,5 milliards de plus dédié au financement d’urgence à la guerre pour le reste de l’exercice 2009. Les dépenses militaires et la guerre au Moyen-Orient, combinées aux divers budgets additionnels, sont (officiellement) de l’ordre de 739,5 milliards. Toutefois, certaines estimations des agrégats de la Défense et autres dépenses connexes s’élèvent à plus d’un billion de dollars.


2. Un sauvetage financier d’une valeur de 750 milliards annoncé par M. Obama additionné aux 700 milliards déjà alloués par l’administration sortante de George W. Bush en vertu du Troubled Assets Relief Program (TARP) ou Plan de sauvetage des actifs à risque. La somme astronomique de ces deux programmes réunis est 1,45 billions de dollars, financés par le Trésor. Il y a lieu de mentionner que le montant réel « d’aide » financière aux banques est considérablement plus élevé que 1,45 billions. (Voir le tableau 2 ci-dessous.)


3. Le paiement en 2010 des intérêts nets de 164 milliards sur la dette publique non réglée, selon le

Office of Management and Budget.


L’ampleur de cette répartition est étourdissante. Selon un critère du « budget équilibré » – une priorité de la politique économique du gouvernement depuis l’ère Reagan – presque tous les revenus du gouvernement fédéral s’élevant à 2,381 billions serviront à financer le sauvetage bancaire (1,45 billions), la guerre (739 milliards) et le paiement des intérêts de la dette publique (164 milliards). Autrement dit, il ne reste rien pour les autres catégories de dépenses publiques.



TABLEAU 1 Allocations budgétaires à la Défense (Exercice financier (EF) 2009 et 2010), au sauvetage bancaire et aux paiements des intérêts nets de la dette publique (EF 2010)

G$

Défense incluant les allocations supplémentaires ; 534 G$ (EF 2010), 130 G$ supplémentaires (EF 2010), 75,5 G$ en financement d’urgence (EF 2009)

739,5

*Sauvetage bancaire (TARP plus Obama)

1450,0

Intérêts nets

164,0

TOTAL

2353,5

Total individuel (fédéral) Revenus d’impôts (EF 2010)

1061,0

Revenu total du gouvernement fédéral (EF 2010)

2381,0

Source: Énoncé de l’Office of Management and Budget et énoncés officiels. Voir A New Era of Responsibility: The 2010 Budget
Voir aussi
Office of Management and Budget

* Les sauvetages bancaires officiels financés par le Trésor. Le décaissement pourrait s’effectuer sur plus d’un exercice financier et la valeur réelle du sauvetage bancaire est considérablement supérieure.



Le déficit budgétaire


Ces trois catégories de dépenses (Défense, sauvetage bancaire, intérêts sur la dette) engloutiront pratiquement la totalité des revenus gouvernementaux de 2010 s’élevant à 2381 milliards de dollars.


En outre, à titre de comparaison, tous les revenus accumulés par l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers (1,061 billions, EF 2010), c’est-à-dire toutes les sommes payées par les particuliers à travers les États-Unis sous forme d’impôts, ne suffiront pas à financer les « cadeaux » aux banques, lesquels atteignent 1,45 billions. Ce montant inclut les 700 milliards (alloués durant l’EF 2009) en vertu du TARP, ainsi que les 750 milliards octroyés par l’administration Obama.


Même si le décaissement du TARP et de la proposition de sauvetage du président Obama se fera lors des exercices 2009 et 2010, ils représentent tout de même presque la moitié des dépenses gouvernementales totales (la moitié du budget Obama de 3,94 billions de dollars pour l’exercice 2010). Celles-ci sont financées par des sources de revenus régulières (2381 milliards), ainsi que par un déficit budgétaire colossal de 1,75 billions, ce qui nécessite ultimement l’émission de bons du Trésor et d’obligations d’État.


La possibilité d’augmenter considérablement la dette publique à court terme en temps de crise constitue un autre problème, particulièrement au moment où les taux d’intérêts sont extrêmement bas.


Le déficit budgétaire est de l’ordre de 1,75 billions. Barack Obama admet qu’il a hérité d’un déficit de 1,3 billions de l’administration Bush. En réalité, le déficit budgétaire est bien plus important.


Les chiffres officiels tendent à sous-estimer la gravité de la mauvaise situation budgétaire. Le déficit budgétaire de 1,75 billions est sujet à caution puisque les divers montants déboursés sous le TARP et autres sauvetages bancaires, incluant les 750 milliards en programmes d’aide aux institutions financières annoncés par M. Obama, ne sont pas comptabilisés dans les dépenses gouvernementales.


« Il n’y a pas eu de demande d’aide formelle, mais elle apparaît dans une rubrique "d’éventuels efforts additionnels de stabilisation financière" selon l’aperçu du budget. Le service du budget a calculé un coût net de 250 milliards pour les contribuables cette année, car il anticipe que ce montant reconstituera en partie, non en totalité, les dépenses visant à aider les sociétés de financement.


Les fonds s’ajouteraient aux 700 milliards du plan de sauvetage approuvé par le Congrès en octobre dernier. Pour l’exercice financier 2010 et ceux qui suivront, la Maison-Blanche ne prévoit aucun soutien financier du genre » (Bloomberg, 27 février 2010)



Effondrement fiscal


Il se produit à l’heure actuelle une crise majeure dans la structure fiscale fédérale. L’attribution de plusieurs milliards de dollars au budget de guerre et aux plans de sauvetage financier a des répercussions sur toutes les autres catégories de dépenses publiques.

Le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars de l’administration Bush en vertu du TARP a été approuvé par le Congrès en octobre. Mais le TARP n’est en fait que la pointe de l’iceberg. Avant que Barack Obama n’entre en fonction, une panoplie d’autres allocations ont été ajoutées aux 700 milliards. En novembre, le plan de renflouement du gouvernement fédéral était évalué à un montant exorbitant de 8,5 billions, ce qui équivaut à plus de 60 % de la dette publique américaine estimée à 14 billions (2007). (Voir le tableau 2 ci-dessous)


Entre-temps, selon la proposition du budget Obama, 634 milliards de dollars sont alloués à un fonds de réserve pour financer des soins de santé universels. De prime abord, cela semble être un gros montant. Il sera toutefois dépensé sur une période de 10 ans : cela signifie un modeste engagement annuel de 63,4 milliards.


Afin de réduire la montée en flèche du déficit budgétaire, on sabrera les dépenses publiques. Non seulement les programmes de santé et d’éducation demeureront largement sous-financés, ils seront réduits considérablement, réorganisés et privatisés. Cela conduira probablement à la privatisation absolue des services publiques et à la vente d’actifs étatiques, incluant les infrastructures publiques, les services urbains, les autoroutes, les parcs nationaux, etc. La débâcle fiscale mène à la privatisation de l’État.


La crise fiscale est également exacerbée par la réduction des recettes fiscales découlant du déclin de l’économie réelle. Ni les travailleurs au chômage ni les entreprises en faillite ne paient d’impôts. Il s’agit d’un processus cumulatif. La solution à la crise fiscale devient alors la cause d’un effondrement additionnel.



Structure de la dette publique


Cette appropriation à grande échelle de liquidités par une poignée d’institutions financières grâce aux plans de sauvetage bancaires contribue au jour le jour à l’augmentation la dette publique.


Lorsque le Trésor américain alloue 700 milliards de dollars au TARP, ce montant constitue une dépense budgétaire devant inévitablement être financée par la structure des dépenses et les revenus gouvernementaux.


À moins de sabrer dans toutes les autres catégories de dépenses publiques comme la santé, l’éducation et les services sociaux, les diverses dépenses engrangées par les renflouements bancaires nécessiteront un énorme déficit budgétaire, lequel accroîtra en retour la dette publique américaine.

Les États-Unis sont le pays le plus endetté de la planète. La dette publique américaine (gouvernement fédéral) est actuellement de l’ordre de 14 billions de dollars. Cela n’inclut pas les dettes publiques des municipalités et des États, qui ne cessent de grimper.

La dette (fédérale) libellée en dollars américains se compose de bons du Trésor et d’obligations d’État impayés. La dette publique, aussi appelée « dette nationale », constitue la somme d’argent que le gouvernement fédéral doit aux détenteurs des instruments de créance américains.

Ces instruments de créance sont détenus par les résidents états-uniens par le biais de leurs portefeuilles d’épargne, de leurs compagnies et de leurs institutions financières, leurs agences gouvernementales fédérales. Les gouvernements étrangers et des personnes vivant dans d’autres pays, en possèdent également. Ces instruments n’englobent cependant pas les titres de créance intergouvernementaux ni la dette du fonds en fiducie de la Sécurité sociale. Les types de titres détenus par le public comportent les bons, billets et obligations du Trésor, les TIPS (titres du Trésor protégés contre l’inflation), les obligations d’épargne des États-Unis et les séries de titres des gouvernements municipaux et étatiques.


La solution proposée devient ainsi la cause de la crise. Les 700 milliards du TARP combinés aux 750 milliards d’aide à l’industrie des services financiers n’est que la pointe de l’iceberg. Une panoplie d’autres allocations ont été ajoutées aux 700 milliards déjà déboursés.

Tableau 2

(À voir dans l'article original, note de LNI)


Le « sauvetage bancaire » de l’administration Bush.


Le sauvetage bancaire gouvernemental sous l’administration Bush a été évalué à la somme pharaonique de 8,5 billions de dollars, un montant équivalent à 60 % de la dette brute fédérale de 14,078 billions (2010) (Voir le tableau 2 ci-dessus). Cette somme ne comprend pas « l’aide » aux institutions financières de 750 milliards de dollars additionnels proposée par l’administration Obama dans son budget de 2009. La taille de ces liquidités met en péril la structure même des systèmes fiscal et monétaire, incluant 750 milliards de dollars additionnels.

La totalité du renflouement du président Bush (8,5 billions) peut être divisée en fonds accordés par la Réserve fédérale, le Trésor, la Federal Deposit Insurance Corporation et la Federal Housing Authority.


Cette charité aux institutions financières subventionnée par le Trésor et les dépenses gouvernementales sera payée soit par les recettes fiscales ou l’émission d’instruments de créance publics.


L’

Office of Management and Budget considère la sortie d’argent sous le TARP comme faisant partie d’un « programme obligatoire » en vertu d’une loi du Congrès américain. En novembre 2008 on estimait la dette du Trésor, qui comporte le controversé TARP, à 1,1 billions de dollars (voir le tableau 2). Le gouvernement Obama a par ailleurs envisagé d’autres répartitions du Trésor qui contribueront à alourdir le fardeau de la dette publique.



La crise de la dette publique s’intensifie


Le Trésor est-il en mesure de financer ce déficit budgétaire grandissant se chiffrant à 1,75 billions de dollars par l’émission de bons du Trésor et d’obligations gouvernementales ?


Le plus grand déficit budgétaire de l’histoire des États-Unis se conjugue au plus bas taux d’intérêts de son histoire. Le tout combiné au taux d’escompte « près de zéro » pour cent de la Fed, assujettit les marchés pour les obligations gouvernementales et les bons du Trésor libellés en dollars américains.

De plus, la fonction essentielle de l’épargne (au coeur du fonctionnement d’une économie nationale) est en crise.


Qui désire investir dans la dette gouvernementale américaine ? Quelle est la demande pour des bons du Trésor à des taux d’intérêts excessivement bas ?


Tableau 3 Taux d’intérêts en pourcentages

Titres du Trésor

Mis à jour le 25/02/2009


Cette semaine

Le mois dernier

L’an dernier

Courbe de taux du Trésor pour un an

0,64

0,43

2,10

Adjudication des bons du Trésor à 91 jours au taux d'escompte moyen

0,300

0,150

2,160

Adjudication des bons du Trésor à 182 jours au taux d'escompte moyen

0,495

0,350

2,070

Courbe de taux du Trésor pour 2 ans

0,95

0,77

2,04

Courbe de taux du Trésor pour 5 ans

1,79

1,58

2,89

Courbe de taux du Trésor pour 10 ans

2,75

2,56

3,85

One-Year MTA

1,633

1,823

4,326

One-Year CMT (Monthly)

0,44

0,49

2,71

Source Bankrate.com


Le marché pour les instruments de créance libellés en dollars américains est potentiellement au point mort. Cela signifie que le Trésor n’a pas la capacité de financer ce déficit budgétaire colossal en exploitant la dette publique, ce qui plonge ainsi tout le processus budgétaire dans l’embarras.


La question est de savoir si la Chine et le Japon continueront d’acheter des instruments de créance libellés en dollars américains. Washington mène une campagne de relations publiques dans le but d’amener les investisseurs à faire l’achat de bons du Trésor et d’obligations d’États.


Le marché de ces créances (à la fois au États-Unis et au niveau international) étant en crise, davantage de pression s’exercera sur le Trésor afin qu’il sabre la totalité des dépenses publiques, qu’il extorque des frais d’utilisation pour les services publics et vende des actifs publics, dont les infrastructures et les institutions d’État. Selon toute probabilité, cette crise pousse à la privatisation de l’État, où les activités qui se trouvaient jusqu’à présent sous juridiction gouvernementale seront transférées au privé.

Qui achètera des actifs d’État à des prix défiant toute concurrence ? Les élites financières, lesquelles sont également bénéficiaires des sauvetages bancaires.



La consolidation des banques


Grâce aux renflouements, mais aussi aux fonds de pension, aux épargnes individuelles et autres, un montant faramineux de liquidités

a été injecté dans le système financier.


L’objectif officiel des plans de sauvetage est d’alléger le fardeau des banques dû aux mauvaises créances et aux prêts à risque. Ce qui se produit en réalité est que ces énormes sommes d’argent sont utilisées par une poignée d’institutions afin qu’elles consolident leur position dans le commerce bancaire mondial.


Le risque encouru par les banques, résultant principalement du commerce des produits dérivés, est évalué dans les dizaines de billions de dollars, à tel point que les montants et garanties octroyées par le Trésor et la Fed ne résoudront pas la crise. Ils ne sont pas non plus destinés à le faire.


Les médias dominants suggèrent que l’on procède à la nationalisation des banques, conséquemment au TARP. Or, c’est exactement le contraire qui se produit : les banques sont en train de s’emparer de l’État, on privatise l’État. L’instauration d’un système financier unipolaire mondial fait partie d’un projet plus ambitieux des élites financières de Wall Street, visant à jeter les bases d’un gouvernement mondial.


Amère ironie, les bénéficiaires du renflouement du TARP et de l’aide aux institutions financières de 750 milliards proposée par le président Obama, sont les créanciers du gouvernement fédéral. Les banques de Wall Street sont les courtières et les syndicataires de la dette publique américaine, et, même si elles détiennent seulement une portion de celle-ci, elles effectuent des opérations boursières et négocient dans le monde entier avec des instruments de créance libellés en dollars américains.


Ces banques font office de créancières de l’État américain et évaluent la solvabilité du gouvernement ainsi que la cote de la dette publique par le biais de Moody's et de Standard and Poor. Elles contrôlent le Trésor américain, le Federal Reserve Board et le Congrès, supervisent et dictent les politiques budgétaire et monétaire, en s’assurant que l’État agit dans leurs intérêts.


Depuis l’ère Reagan, Wall Street domine la plupart des secteurs de l’économie et des politiques sociales. Il établit l’agenda budgétaire, assurant ainsi la réduction des dépenses publiques. Wall Street prône des budgets équilibrés, mais, en pratique, fait du lobbyisme afin d’éliminer les impôts des entreprises et de leur octroyer des « cadeaux », d’obtenir des déductions aux fins de l’impôts lors de fusions et d’acquisitions, etc., tout cela ayant pour effet d’augmenter la dette publique de façon exponentielle.


Des relations circulaires et contradictoires.


La Réserve fédérale américaine est une banque centrale détenue par le privé. Alors que le Federal Reserve Board est un organisme gouvernemental, le mécanisme de création monétaire est contrôlé par 12 banques de la Réserve fédérale ou Federal Reserve Banks, lesquelles appartiennent à des intérêts privés.


Les actionnaires des banques de la Réserve fédérale (celle de New-York jouant un rôle majeur) font partie des institutions financières les plus puissantes des États-Unis.


Si la Fed peut créer de l’argent « à partir de rien », les dépenses de plusieurs milliards de dollars du Trésor (dont le TARP) l’oblige à contracter une dette publique sous la forme de bons du Trésor et d’obligations d’État. Évidemment, la Fed détiendra une partie de ces bons.


Les institutions financières américaines supervisent la dette publique des États-Unis. Elles sont impliquées dans la vente de ces bons du Trésor et obligations gouvernementales sur les marchés financiers américains et à travers le monde. Mais elles possèdent également une partie de la dette publique, et, à cet égard, elles sont les créancières du gouvernement étatsunien. Une portion de cette dette publique accrue nécessaire au sauvetage des banques sera financée ou vendue par les mêmes institutions financières qui bénéficient du plan de sauvetage.


Il s’agit d’une relation circulaire pernicieuse. Lorsque les banques ont fait pression sur le Trésor pour qu’il les aide sous la forme d’une importante opération de sauvetage, il était entendu dès le départ que les banques aideraient en retour le Trésor à financer les « dons » dont elles bénéficient.


Afin de financer le renflouement bancaire, le Trésor doit engranger un déficit budgétaire colossal, lequel requiert en retour l’augmentation exorbitante de la dette publique des États-Unis.


L’on a induit l’opinion publique en erreur. Dans un sens, le gouvernement des États-Unis finance son propre endettement : l’argent alloué aux banques est en partie financé par l’emprunt aux banques.


Ces dernières prêtent de l’argent au gouvernement et le Trésor se sert de cet argent pour financer le sauvetage. En revanche, elles imposent des conditions à la gestion de la dette publique étatsunienne : elles dictent la façon dont l’argent doit être dépensé, imposent une « responsabilité fiscale », exigent des réductions massives dans les dépenses publiques ayant pour effet l’effondrement et/ou la privatisation des services publiques. Elles ordonnent la privatisation des infrastructures, des routes, des égouts et des aqueducs, des aires de loisirs, bref, tout est sujet à la privatisation.


Les banques renflouées sont à la fois bénéficiaires et créancières. En tant que créancières, elles obligent le gouvernement a) à sabrer dans les dépenses b) à engranger une dette publique par l’émission de bons du Trésor et d’obligations d’État.


Cette crise de la dette publique est d’autant plus grave puisque le gouvernement fédéral américain ne contrôle pas sa politique monétaire. Toutes les opérations liées à la dette publique passent par la Fed, en charge de la politique monétaire et agissant au nom d’intérêts financiers privés. En tant que tel, le gouvernement n’a aucune autorité sur la création monétaire, ce qui signifie que les opérations liées à la dette publique servent essentiellement les intérêts des banques.



De Bush à Obama : la continuité


Le programme du président Obama pour stimuler l’économie constitue un prolongement du renflouement bancaire de l’administration Bush. La solution politique proposée pour sortir de la crise en devient la cause et il en résulte ultimement davantage de faillites dans l’économie réelle, entraînant l’effritement du niveau de vie des Américains.

Les plans de sauvetage de MM. Bush et Obama sont destinés à la rescousse des institutions financières en difficultés pour assurer le paiement des opérations d’emprunt « interbancaire ». En pratique, d’énormes sommes d’argent transitent par le système bancaire, allant des banques aux fonds spéculatifs, ensuite vers les paradis bancaires pour finalement retourner aux banques.

Le gouvernement et les médias on tendance à mettre l’accent sur la notion ambiguë de « créances interbancaires ». Or, il arrive rarement que l’on identifie les créanciers.


Des transferts de plusieurs milliards de dollars se font électroniquement d’une entité financière à l’autre. Mais où va l’argent ? Qui récolte ces créances de plusieurs milliards, lesquelles sont en grande partie la conséquence de la manipulation financière et du commerce des produits dérivés ?


Certains signes indiquent que les institutions financières transfèrent des milliards de dollars dans leurs fonds spéculatifs affiliés. À partir de ceux-ci, elles peuvent utiliser leur capital monétaire pour l’acquisition d’actifs réels.


Par quels mécanismes financiers complexes ces créances ont-elles été mises en oeuvre ? Où va l’argent du renflouement ? Qui encaisse les milliards provenant du sauvetage gouvernemental ? Ce processus contribue à une concentration de richesse sans précédent.



Mot de la fin


La manipulation financière fait partie intégrante du nouvel ordre mondial : elle constitue un puissant moyen d’accumuler de la richesse. Dans le cadre des ententes politiques actuelles, les responsables de la politique monétaire servent tout à fait délibérément les intérêts des financiers au détriment des travailleurs, entraînant un bouleversement économique, du chômage et la pauvreté généralisée.

Cet article se concentre sur la façon dont la manipulation financière a servi à faire éclater la structure des dépenses publiques des États-Unis.


De manière plus générale, la restructuration des institutions et des marchés financiers mondiaux (combinée au pillage d’économies nationales) a permis l’accumulation de richesses personnelles immenses, dont une partie a été amassée grâce à des transactions strictement spéculatives.


Cette fuite critique de milliards de dollars émanant de l’épargne des particuliers et des recettes fiscales étatiques paralyse le rôle de l’État en ce qui a trait aux dépenses et incite à l’accumulation d’une dette publique qui ne peut plus être financée par l’émission d’instruments de créance libellés en dollars américains.

Nous assistons au transfert frauduleux et à la confiscation de fonds de pension et d’économies de toute une vie, à l’appropriation frauduleuse des recettes fiscales pour financer les sauvetages bancaires, etc. Afin de comprendre ce qui s’est passé, il faut suivre la trace de l’argent transféré électroniquement pour découvrir où il est allé. C’est la criminalisation du système financier qui est en jeu : l’« escroquerie financière » d’une ampleur inouïe.

Le système monétaire, intégré au processus budgétaire de l’État, a été déstabilisé et la relation fondamentale entre le système monétaire et l’économie réelle est en crise.


La création monétaire « à partir du vide » menace la valeur du dollar américain en tant que monnaie internationale. De même, le financement d’un déficit budgétaire colossal par le biais de créances libellées en dollars américains est compromis en raison des taux d’intérêts extrêmement bas. Aussi, l’épargne des ménages est minée par les taux d’intérêts près de zéro.


Il est question dans cet article d’un aspect fondamental d’un processus de débâcle financière mondiale qui évolue.

Le Système international de paiements interbancaire est en crise et les perspectives économiques sont terrifiantes. Aux États-Unis, au Canada et au sein de l’Union européenne, des faillites se déclarent à un rythme alarmant. Les nivaux nationaux d’exportation ont chuté et atrophié le commerce international et des rapports des économies asiatiques indiquent une hausse massive du chômage. En Chine, dans le bassin de la rivière des Perles dans le sud de la province du Guangdong, où l’économie repose sur l’exportation industrielle de produits usinés, quelque 700 000 travailleurs ont été mis à pieds en janvier (China Morning Post, 6 février 2009) ; au Japon, la production industrielle a chuté de plus de 20 % depuis décembre ; dans les Philippines un pays de 90 millions d’habitants, les exportations ont dégringolé de plus 40 % en décembre.



Désarmement financier


L’architecture financière mondiale qui prévaut ne permet aucune solution. Il est impossible de mettre en oeuvre des politiques significatives sans réformer radicalement les rouages du système bancaire international.


Il faut restructurer le système monétaire, y compris les fonctions et la propriété de la banque centrale, arrêter et poursuivre les personnes impliquées dans la fraude financière, à la fois au sein du système financier et des agences gouvernementales, geler tous les comptes où des transferts frauduleux ont été déposés, annuler les créances issues de transactions frauduleuses et/ou de la manipulation des cours.


Les gens doivent se mobiliser aux niveaux national et international. Ce combat pour la démocratisation des appareils financier et fiscal doit avoir lieu à grande échelle et englober tous les secteurs de la société, à tous les niveaux et dans tous les pays. Il faut ultimement désarmer l’establishment financier :


-confisquer les actifs obtenus par la fraude et la manipulation financière.

-restituer les épargnes des particuliers par des transferts inverses.

-retourner l’argent du sauvetage au Trésor et geler les activités des fonds spéculatifs.

-geler la gamme de transactions spéculatives incluant la vente à découvert (short selling) et le commerce des dérivés.


ANNEXE

Documents

Budget du gouvernement des États-Unis

Documents du budget pour l’exercice financier 2010

Une nouvelle ère de responsabilité : le budget 2010

On peut consulter les tableaux contenus dans l’annexe en cliquant sur les liens ci-dessous :


Tableaux récapitulatifs




Voir aussi :

http://www.budget.gov

http://www.gpoaccess.gov/usbudget/fy10/pdf/fy10-newera.pdf


Article original en anglais, America's Fiscal Collapse, publié le 2 mars 2009.

Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.